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Les Héritiers : un film en demi-teinte (3/5)

Réalisé par Marie-Castille et Mention-Schaar, avec Ariane Ascaride, Ahmed Dramé et Noémie Merlant

Ce n’est pas que le film est raté, mais plutôt qu’il laisse cette impression de « déjà vu » et qu’il ne transcende pas.

Les Héritiers relate l’histoire, inspirée d’un fait réel, d’une classe de seconde en difficulté du Lycée Léon Blum de Créteil, en banlieue parisienne, et de leurs relations avec le corps professoral qui les encadre. Dans cette classe, aucun professeur n’arrive à intéresser les élèves ni à réellement se faire respecter, mais pour Anne Gueguen, la professeure d’histoire, c’est différent. Elle n’est pas de ceux qui se démontent devant les élèves, se montre plus maligne qu’eux lorsqu’ils lui répondent, les pousse dans leurs retranchements pour mieux susciter leur intérêt et parvient à gagner progressivement leur confiance. Ces lycéens, elle les considère, elle croit en eux. Elle a, pour eux, de l’ambition, alors qu’eux ont déjà abandonné. Ses aspirations sont telles qu’elle va jusqu’à leur proposer de se porter candidats au concours national d’Histoire. Le sujet de ce concours : « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi ». Un sujet qu’ils doivent aborder à travers leurs yeux d’enfants, d’adolescents, et non pas comme des élèves. Tout le film va ensuite se centrer sur la manière dont ces secondes de Créteil vont relever ce défi en apportant chacun et tous ensemble leur pierre à l’édifice.


Les Héritiers se place dans la lignée de ces films sur l’éducation, parmi lesquels on pourrait citer, Entre les murs (sorti en salle en 2008, qui avait remporté la Palme d’Or du Festival de Cannes la même année), ou encore La Journée de la Jupe (sorti en 2009, pour lequel Isabelle Adjani avait décroché le César de la Meilleure actrice). Là où ces long-métrages ont excellé, Les Héritiers pèche un peu. Ce n’est pas que le film est raté car il y a plusieurs choses appréciables qui en ressortent. Mais, c’est plutôt qu’il laisse cette impression de « déjà vu » et qu’il ne transcende pas, qu’il n’est tout simplement pas au niveau de ces deux films qui l’ont précédé. Il faut dire qu’ils avaient placé la barre assez haute. Ils avaient réussi à avoir une réelle portée, à aborder ce thème de l’éducation dans des établissements difficiles sans verser dans l’idéalisme, le surfait et le pathos. Ce qui est étrange là-dedans, c’est que Les Héritiers est inspiré d’une histoire vraie, celle d’Ahmed Dramé (qui joue Malik dans le film) et de sa classe de seconde qui avait effectivement remporté, en 2009, le Concours national de la résistance et de la déportation.


On aurait donc pu s’attendre à ce que cette histoire soit racontée de manière à coller au réel et qu’elle ne soit pas romancée comme cela en donne l’impression. Au contraire, il y a de nombreuses scènes surfaites, en décalage avec la réalité et le tout manque un peu de cohérence. On a d’abord le sentiment que, dans l’ensemble, les scènes s’enchaînent trop vite et que les élèves se métamorphosent en trop peu de temps. En réalité, ce n’est pas tant la vitesse à laquelle cela se produit qui est en cause, mais plutôt le fait que l’on n’arrive pas à comprendre d’où vient leur déclic. Pourquoi, tout à coup, ces élèves qui rejetaient tout en bloc - les cours, les professeurs, leurs propres capacités de réussite -, se révèlent et parviennent à s’entendre et à travailler main dans la main ? Leur langage et leurs discours paraissent se transformer du tout au tout et manquent alors de naturel par rapport à ce qu’ils étaient au départ. On a également l’impression que le déclic qui se produit chez les élèves les plus sceptiques au projet qui leur est proposé, arrive sans trop d’effort. On se serait aussi passé des scènes extérieures au cadre scolaire, censées justifier une partie de leur comportement. Je pense à celles qui se passent, notamment en-bas des blocs ou, encore dans les escaliers des barres d’immeuble où les jeunes habitent, celles qui traitent de la pression exercée par les hommes sur les femmes des cités, celles qui montrent les dérives sectaires religieuses. Non pas que ce ne soit pas des sujets à traiter au cinéma, bien au contraire, mais parce que, dans ce film, ils font l’objet de scènes casées par-ci par-là, au plus grand des hasards. Le lien direct avec l’histoire n’est pas évident et rien n’est réexploité par la suite. Comme cette scène du début qui révèle un conflit d’identité religieuse entre le principal de l’établissement et une élève fraîchement diplômée autour du port du voile. A mes yeux, cela n’a rien à faire là car cela n’apporte rien à l’histoire d’autant que cette scène est particulièrement mal jouée.


Mais, pour autant, il y a aussi du bon à tirer de ce film. Malgré son caractère parfois un peu irréaliste et son penchant « mélodrame » qui est décuplé par une bande son quelque peu théâtrale par moment, accompagnée d’un zoom sur des visages trop sérieux et affectés pour l’occasion, Les Héritiers parvient à sensibiliser et à émouvoir. Il atteint son but, réussissant à véhiculer une belle image de l’éducation et de ses possibilités. On sourit face à ces jeunes qui se donnent à fond pour mener à bout leur projet et qui semblent avoir beaucoup de considération et de tendresse envers cette femme qui a cru en eux. Ils le lui rendent bien et l’émotion est palpable sur le visage de l’enseignante et ressurgit sur le spectateur. Toutefois, si l’on ne devait retenir qu’un passage, ce serait ce moment où l’ancien déporté vient raconter son vécu devant la classe, car c’est de loin le plus bouleversant et celui qui construit le plus de sens.


Les Héritiers est donc un film en demi-teinte, intéressant mais critiquable sur de nombreux points. On peut lui reconnaître sa prise de risque. Passer après deux grands films comme Entre les murs et La Journée de la jupe, était loin d’être aisé. Mais, encore fallait-il se montrer à la hauteur.


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